Un petit souvenir

Paulette Laguerre
La légende des Glaneuses
Bordant la verte vallée de la Courbière en venant de Rabat pour se rendre à la freyte se trouve une montagne « La Souleilla ».
Beaucoup de petits propriétaires se partageaient le territoire. La terre y était très fertile, où le grain poussait y mûrissait bien. Car comme le nom de cette montagne l’indique, le soleil toute la journée arrosait de ses rayons ce versant de montagne.
« Un cop »
Deux glaneuses longeaient un champ, à petits pas, le corps courbé vers le sol. Depuis des heures, elles grappillaient les épis qui avaient échappé aux propriétaires des parcelles. Elles remplissaient leur « Faoudat » (tablier). Il faisait chaud, elles étaient en sueur.
Tout d’un cop (tout d’un coup) Elles aperçurent un homme arriver dans le champ.
Mais, peu bavardes avec les étrangers, les femmes ne levèrent même pas la tête vers lui et continuèrent leur travail, tout en bougonnant entre elle. L’homme poliment renouvela sa demande :
— Pardon, quel est chemin pour aller à ay Massès ?
Comme des furies, elles firent face à l’homme et sèchement lui répondirent.
— Eh ! L’homme Passô, passô tuun cami é deichos nouss attell ! (Passe, passe ton chemin et laisse-nous comme ça)
L’homme se détourna tout en murmurant d’une voix douce :
— Comme vous voudrez femmes, mais, pour avoir oublié honteusement la charité chrétienne, le feu céleste vous punira.
Ce fada prêcheur fit bien rire les glaneuses, qui lui tirèrent la langue une fois qu’il eut le dos tourné, puis continuèrent à remplirent leurs sacs du contenu de leurs grappilles.
Le ciel se noircit, des corbeaux croassèrent dans le ciel. Les glaneuses prirent peur, mais au lieu de prier Dieu pour sa clémence et demander pardon pour leur manque de charité, elles maudirent l’homme qui n’était autre que Saint Pierre. Le vent souffla de plus en plus fort emportant les épis, les femmes se courbèrent pour les ramasser, à cet instant la malédiction s’abattit sur elles … Comme l’homme leur avait prédit, un effroyable grondement, aussi subit que terrible, ébranla les montagnes ; Un éblouissant éclair sillonna le ciel, et vint les frapper, les transformant en statues de pierre dans la position qu’elles se trouvaient pour l’éternité.
Depuis ce fameux jour, elles sont toujours « comme ça » c’est à dire penché vers le sol en train de ramasser leurs épis… Si vous montez au village de Gourbit regardez bien à droite vers le soleilla, vous apercevrez deux grosses roches, examinez-les bien et vous saurez à qui elles ressemblent.
Toutes légendes à sa morale, c’est pourquoi, depuis cette époque, les montagnards, chaque fois qu’ils croisent quelqu’un dans un chemin, ils lui adressent la parole gentiment. Car « Tchi sap » (qui sait) c’est peut-être Saint-Pierre ou Jésus et il ne faut pas les fâcher. « nouss pourriô cambia enn roc » (ils pourraient nous changer en pierre….Comme les Glaneuses.)
Clic ! clac ! et la légende des glaneuses est terminée
Par Paulette Laguerre
agricole La moisson tout le monde le sait, c’est la récolte des céréales, les plantes de la déesse Cérés, le maïs, l’avoine, l’orge, seigle et puis surtout le blé. Sans grains de blé, pas de farine, pas de pain, pas de gâteaux. La déche ! C’est peut-être pour ça qu’on emploie le mot blé pour dire « de l’argent ». Quand on moissonne, on coupe et on ramasse en quantité. Dans le calendrier révolutionnaire, le temps des moissons, s’appelait messidor, c’est à dire « moisson d’or ». Ça fait rêver tout le monde. Cela dit, en attendant les moissons d’euros, contentons-nous de faire une moisson de souvenirs de savoir-faire oubliés, pour beaucoup d’entre nous, qui rappelleront aux générations d’aujourd’hui leurs racines.
Donnez-nous notre pain quotidien ! prêcher le dimanche le curé.
Le pain était la base de l’alimentation. Le pain avec le lait, les fromages, et les fruits, et le cochon constituaient la base de la nourriture montagnarde. Au début du Moyen Age, le pain était fabriqué à partir de farines de seigle, d’avoine ou d’orge, car en cette époque troublée, on privilégiait les céréales les plus rentables.
Comme les paysans de la plaine, les montagnards de chez nous s’adonnaient à la culture des céréales indispensable à leur nourriture comme à celle du bétail. Sur les versants exposés au sud ou au sud-ouest (l’adret) se trouvent les champs de blé en basse altitude, puis froment, orge, seigle).
Ces cultivateurs pratiquaient l’assolement triennal : durant trois ans, sur la même parcelle, se succèdaient une jachère, des céréales d’hiver (froment, épeautre et seigle) et des céréales d’été (orge et avoine). Le but de cette rotation étant de laisser reposer la terre, d’offrir une pâture aux bêtes et d’empêcher la repousse des mauvaises herbes. Les paysans travaillaient durement de leurs bras cette terre pour des rendements qui restaient soumis aux conditions climatiques, la neige, la pluie et le vent.
La moisson était pour l’homme un travail très pénible. Du matin au soir le dos courbé vers la terre. Ils utilisaient une faucille en forme de croissant, pour couper les céréales le plus ras possible du sol et récupérer la paille servant de litière aux animaux. Et tout ça le plus délicatement pour éviter de perdre le moins possible de grain. L’usage de la faux utilisée surtout en plaine, entraînait une perte de grains forcément plus grande qu’avec la faucille, sa manœuvre brutale faisant égrener un nombre considérable d’épis trop mûrs et son mouvement moins précis laissant en place une proportion d’épis elle aussi assez importante.
Une fois les céréales coupées, les femmes entraient en lisse : Elles liaient les gerbes, elles utilisaient pour cela un outil de bois appelé la billa de lligar, qui demandait à son utilisateur une grande dextérité. Puis le blé était apporté sur l’aire où le battage, séparation des grains de l’épi, se faisait aussitôt après la moisson. Cette aire de terre battue avait été longuement préparée avant l’opération. Venait le battage au fléau, corvée épuisante dont la cadence à quatre temps était scandée par la voix des moissonneurs.
Les jours suivants les glaneuses parcouraient les champs pour recueillir tout ce qui avait échappé au travail des moissonneurs. Cette tradition m’amène à ma légende :
Paulette Laguerre
Je vais vous raconter une histoire arrivée à une famille du village partie couper du foin, nous l’appellerons :
La Légende de l’Ane
Un cop ! èro d’autris cops (autrefois dans l’ancien temps)
Oui c’est toujours ainsi que l’on commence une histoire chez nous.
Nous étions en juillet, le père Auguste Rouzaud un vieux du pays, au visage ridé par les ans, le dos voûté, sortit un soir, sur le pas de sa porte, il huma longuement l’air et dit :
— Les mouches sont mauvaises, demain les enfants vous monterez à l’herbe dans les près de Labiour, avant qu’ça mouille.
« Faire du bon foin » était une science que les vieux du pays avaient acquise de pères en fils. Il faut savoir sentir le fond de l’air, ramasser une poignée d’herbe et la casser pour mesurer son humidité. Rien n’est plus difficile que le foin, et notamment de trouver le bon compromis de séchage entre la tige toujours trop verte et la feuille qu’il faut garder pour lui donner de l’appétence. Cela requiert du paysan expérience et compétence s’il ne veut pas rendre malade ses bêtes durant l’hiver ou se retrouver démuni de fourrage. A ce propos on pourra rappeler le sens de cette locution populaire : « quand il n’y plus de foin dans les râteliers, plus d’argent dans le ménage.” L’orage qui tombe sur les foins non rentrés et qui fait perdre la feuille, donc la richesse du fourrage, reste toujours craint.»
Quand le père parlait, on ne discutait pas. Les grands près de Labiour se trouvaient très haut dans la montagne, prés du col de Lapège, à deux bonnes lieues du village. Le lendemain matin, aux premières lueurs de l’aube, les cinq fils du père Rouzaud, de grands gaillards, du village de Gourbit montèrent dailhabon (fauchaient) à Labiour. Là se trouvait une série de grands prés appartenant à plusieurs propriétaires. Les gars étaient tout joyeux, ils parlaient de fêtes et des filles bonnes à marier.
Sans perdre de temps, les gars se mirent au travail n’économisant pas leur peine, ils fauchaient les longues herbes, que le soleil du début de l’été avait séchées et dorées. Ils se réjouissaient, la moisson serait bonne cette année, si l’orage la leur laissait rentrer à temps.
La journée fut longue et pénible. Les garçons, tombèrent la chemise, tant ils étaient en sueur, les taons (mouches) excités par le temps orageux leur suçaient le sang.
Lorsque le soleil, arriva au niveau de l’horizon, ils posèrent leur faux, et ratissèrent en formant des mouloudous, de gros tas pour préserver l’herbe de l’humidité de la nuit. Ils montèrent à la source du col s’asperger d’eau fraîche et en boire de longues goulées de vin du pays à leur gourde.
Leur tâche journalière terminée, les cinq frères n’attendirent pas que l’Angélus sonne pour regagner le village. En-bas les attendaient : une bonne soupe aux choux avec un petit bout de coustèlou, une tranche de pain gris à base de farine de seigle et d’avoine et un morceau de pugnache. Ensuite, ils regagneraient leur paillasse de feuilles de maïs pour un sommeil bien mérité. Demain serait un autre jour de labeur, ils remonteraient charger sur leur dos le foin pour le descendre au village.
Leurs sabots raclant un peu le sol, les bras douloureux, la chemise collée à la peau, cahin-caha, ils entamèrent la descente du chemin du col. Leurs jambes se faisaient de plus en plus lourdes, les brûlures du soleil cuisaient leur peau. Le village était encore loin.
Les frères Rouzaud venaient de franchir le pont « d’ei Chargelats » en bas de la Baignère, soudain ils entendirent un léger bruit de branchages. Et là surprise ! Juste à quelques pas d’eux, ils aperçurent, sur le bord du chemin un âne non entravé. Ils ne reconnurent en cette bête, aucun âne du village, d’où venait-il ? à qui pouvait-il appartenir ?
La bête ne semblait pas décidée à partir, il les regardait de ses yeux noirs. Les garçons ne faisaient pas un geste, pour ne pas l’apeurer. Alphonse l’aîné lui parla :
— Tout doux, moun boun asé (Tout doux mon bon âne), tout doux, répétait-il en avançant
L’âne se laissa facilement approcher, il les regardait et semblait sourire, il retroussait ses babines et à la stupéfaction des frères, l’âne parla en patois :
— Qu’estz pla arassats – (vous êtes bien fatigués)
Puis il leur proposa :
— Bous baoua pourta – (je vais vous porter.)
Devant leur stupéfaction ; il insista :
— Pujats su l’miou esquèno – (monter sur mon dos.)
Les frères se regardèrent bien un peu étonnés de cette proposition. Le dos de l’âne n’était pas assez long pour tous les cinq. Mais l’aîné se décida à monter, ses jambes le faisaient tellement souffrir. Une fois assis, il restait une place, le plus jeune monta à son tour. Puis le troisième, mais celui-ci touchait déjà la queue. Les deux autres s’apprêtaient à reprendre leur chemin, quand ils virent le dos de l’âne s’allonger, s’allonger à vue d’œil. Tout heureux ils grimpèrent à leur tour.
Et hop ! l’asé s’enn ba cap a bay ! l’âne s’en va à toute vitesse vers le bas en direction du village. Les garçons sont étonnés qu’avec une telle charge sur son dos, l’âne va a fum (à toute vitesse). Qu’elle force ! ils n’en revenaient pas. Ils se cramponnaient les uns aux autres, puis inquiets ils s’interrogeaient comment allaient-ils l’arrêter avant le goutas du Moulin. Car au bout du chemin, il y avait un moulin à eau, Pour faire tourner les meules, le goutas était une sorte de grand bassin dans lequel le meunier détournait le ruisseau «le Riou» pour faire tourner les meules.
Ils venaient de passer devant le pujal, une petite montagne surmontée de Jésus supplicié. Comme tous les soirs en passant devant, les frères firent leur signe de croix.
Malheur ! De malheur l’âne fait une de ces ruades, si forte que le fer de son sabot d’une patte arrière s’enfonça dans la pierre du chemin. Les cinq frères tombèrent sur le « tioul » les fesses. Aussitôt un nuage de soufre nauséabond les enveloppa et quand il fut dissipé, ils virent horrifiés le poil de l’âne devenir couleur de feu, ses yeux flamboyants sortirent de leurs orbites, deux cornes apparurent entre ses oreilles. Dégoulinant de bave, il disparu au grand galop droit devant lui. Il passa la place comme une flèche, et fini sa course dans un grand plouf dans le goutas. Les garçons réalisaient avoir agi avec beaucoup de légèreté. Ils venaient d’échapper à une mort certaine, le Diable était venu pour leur voler leurs âmes.
Depuis, on l’a plus jamais revu ! Quoique, certaines personnes disent l’avoir entendu braire certains soirs de Lune Noire. D’autres disent que si l’on tend l’oreille certaines nuits, on distingue comme des plaintes douloureuses d’enfants emportés au fond du goutas.
Les gourbitois ont retenu la leçon Pour savoir si c’est le Diable qui vient les tenter, il n’existe que deux sortes de remèdes :
» l’aiguô santô ou lé signô dé croutz » (l’eau bénite ou le signe de croix). Car pour tromper les braves gens, le Diable peut prendre diverses formes comme celle d’un bouc, d’un corbeau…
Et cric et crac et ma légende de l’âne est terminée
Le temps de la fenaison
Et les enfants, avez-vous remarqué la grandeur du boucal (baie) de la grange ? Eh bien ! Elle servait aux hommes de la maison, d’entrer debout avec un immense fagot de foin sur le dos, après avoir grimpé un à en les barreaux de la grande échelle. Une bonne récolte de fourrage mettait leur bétail à l’abri jusqu’au printemps suivant.
Les temps de la fenaison cela ne vous dit pas grand chose. Cela ne se pratique plus de nos jours, tracteurs, emballeuses ont remplacé les bras. Ce travail s’avérait un labeur éreintant qui prenait beaucoup de temps. Dans les montagnes on commençait à faucher vers la mi-juin et se terminait à la fin août. Le foin ainsi descendu à dos d’hommes, servait à nourrir les animaux au cours du long hiver, lorsque les champs se couvrent d’une épaisse couche de neige. Toute la famille était mise à contribution, y compris les enfants.
Texte de Paulette Laguerre
Légendes, superstitions et traditions d’un petit village d’Ariège
Gourbit, sy benes y demoros
Gourbit, si tu y viens, tu y restes.
Voilà une petite partie sortie de l’oubli des croyances de notre village.
Les Anciens avaient une originalité. On racontait beaucoup d’histoires, de contes, aux veillées, pigmentées par cet esprit caustique du pays, agrémentées de ces expressions patoises autour de l’âtre, assis sur les genoux du père ou du grand-père. Tandis que se consument les grosses bûches ou « Hestelles » de hêtre ou de frêne, sous le manteau de la bonne vieille cheminée, les enfants écoutaient en silence
Dans notre village isolé de montagnes, les soirées d’hiver avant l’arrivée de la télévision étaient longues. Alors qu’à l’extérieur il faisait bien froid, les familles se regroupaient le soir après leurs longues journées de labeur autour d’une cheminée. Ces réunions devenaient le domaine des contes et légendes, où de merveilleuses histoires se transmettaient de génération en génération. Nos ancêtres ont aimés ces récits, dont les superstitions, le diable et le curé y tenaient une grande place. Au fil des ans, ils les ont été embellis, modifiés par les conteurs, soit que leur mémoire infidèle ait oublié quelques passages ou que leur imagination se soit plue à y ajouter quelques détails. Aussi peut-être certaines légendes connaissent plusieurs variantes d’une maison à l’autre suivant les conteurs.
Aujourd’hui je vais essayer de les faire revivre à mon tour, car c’est servir son village d’en rappeler ce qui en à fait sa richesse. Mais, pour vous retransmettre à mon tour ce morceau de mémoire de nos ancêtres, je n’ai que ces pages blanches, Il manquera beaucoup de choses qui en faisaient la magie à l’époque : la veillée avec les voisins, le feu dans la cheminée, les châtaignes sous la cendre, et surtout patois…Alors imaginez : vous êtes assis sur une chaise basse, devant la cheminée où brûle une belle bûche.
Chut écoutez le pepi-bièl (Le Papi).
MAI 1876 : Maire : Carbonne Antoine. Adjoint : Galy Étienne. Conseillers municipaux : Laguerre Jean-Baptiste – Galy Joseph – Franc Antoine – Builles Étienne – Builles Jean-François – Prat Jean-Pierre – Aubin Flavien (Duc) – Estèbe Jean-Napoléon – Estèbe Jean-Pierre – Laguerre Antoine.
En 1876 : Été caniculaire.
Le 3 novembre 1877 : suspension du maire. « Le 3 novembre 1877, Nous, Henri de Salinis, conseiller de préfecture agissant en vertu d’une délégation de M. le préfet d’Ariège, nous nous sommes transportés dans la commune de Gourbit et nous étant rendu dans une salle de la mairie, nous avons donné lecture aux intéressés du décret en date du 2 novembre 1877 prononçant la suspension pour deux mois de M. Carbonne maire et Galy adjoint de Gourbit. Remplacé par M. Estèbe Jean-Pierre» .
En 1877 : le train arrive à Tarascon.
En 1877 Gourbit compte 780 habitants.
Cette fin du siècle voit l’exode d’une partie nos Gourbitois. Ceux qui ont choisi de rester s’organisent tant bien que mal en pratiquant les migrations saisonnières : vendanges, gardes des bêtes.
Création du livret de famille. Ce livret est créé à la suite de la circulaire signée par Jules Simon, président du conseil et ministre le 18 mars 1877. Il sera remis gratuitement aux époux, lors de la célébration du mariage. Ce livret est destiné à recevoir les énonciations principales des actes de l’état civil intéressant la famille ; il sera présenté toutes les fois qu’il y aura lieu de faire dresser : un acte de naissance, de mariage ou de décès.